(tobias) the marks humans leave are too often scars.

Dans ce monde, il existe parfois des catabases, celles qui vous conduisent en enfer. Comme un balancement du destin et ce monde, comme un karma qui vous frappe lorsque vous êtes au sommet, lorsque vous connaissez le bonheur qui paraissait le plus pur. Le bonheur n’apparaît pas à vous, il se mérite.

Le seize février 2016, cinq heures de l’après-midi.
La garden-party avait débuté il y a quelques heures et dans cette cour où la moyenne d’âge avoisinait la cinquantaine, Tobias s’était exilé dans un coin du grand jardin, un verre à la main, son autre main occupée à pianoter vivement sur le clavier de son portable afin d’envoyer une salve de messages à destination de son petit-ami pour lui dire à quel point il l’aimait, qu’il regrettait de ne pas l’avoir à ses côtés, qu’il s’ennuyait mortellement, qu’il avait envie d’être à ses côtés, qu’il avait envie de lui, d’être contre lui, nu, dans leur lit. « Je vous présente mon fils, Tobias, brillant étudiant en médecine. » La voix rauque souffle à quelques mètres de lui, et le jeune homme soupire, feignant de grandement sourire. Il releva la tête, voyant son père à son approche, accompagnant d’un de ses partenaires de golf et dans la plus grande hypocrisie du monde, lui fit une poignée de main en lui déclarant qu’il était enchanté de rencontrer un des grands amis de longue date de son père. Quittant son portable qu’il glissa dans sa poche, il trinqua, claquetant les verres avant de boire son alcool. « Et ce charmant jeune homme, il a une demoiselle, je présume ? » Il se retint de lever les yeux en l’air, agacé par les questions indiscrètes et de mauvais goût. Toussotant, il s’apprêta à prendre la parole, lorsque son père le devança : « Oh, Tobias a eu un petit problème lors de sa fabrication, dit-il d’un air gêné et d’un rire nerveux. Il est plutôt attiré par les garçons, mais le temps qu’il est heureux, c’est le principal. Mais on ne rechigne pas à voir un jour une jolie demoiselle avec, plus tard, aussi un petit-fils. » Le malaise. Son père avait toléré sa révélation sur son orientation sexuelle, bien qu’il avait le droit maintenant à quelques remarques du genre qu’il pouvait toujours, au mieux, ramener une fille à la maison. Inclinant légèrement la tête, l’étudiant en arts partit, cherchant un nouveau coin où il pourrait s’exiler, en tête-à-tête avec son téléphone, loin de tout cela. Il ne fallut qu’un instant, une fraction de seconde, et un des vieillards de l’assistance s’étouffa avec une poignée de cacahuètes, chutant à terre, ne respirant plus. L’on cria à l’aide, l’hôte désigna Tobias qui savait les pratiques médicales et après quelques mouvements maladroits pour le sauver et une panique qui s’empara de lui, Tobias avoua tout.  Il n’était pas étudiant en médecine et il n’était plus la fierté de son père.

Le trois mars 2016, deux heures de l’après-midi.
Bonjour, vous êtes bien sur le répondeur du Dr. Charles Nelson, veuillez laisser un message après le bip sonore. C’était peut-être la dixième fois qu’il l’appelait, tombant une énième fois sur la messagerie vocale, raccrochant et ne laissant aucun message, sachant qu’il ne rappellerait pas. Il se remit en mémoire ce qu’il s’était passé après cette fête dans le jardin familial. Les yeux assassins de son père s’étaient posés sur lui, et même après les multiples explications de Tobias, sa démonstration de son amour pour le théâtre, rien n’y fait et une des joues du jeune homme fut marqué au fer rouge. Ses mots parcouraient et hantaient encore ses esprits. Je ne veux plus te voir, ou encore avoir à faire avec toi. C’était la colère, la honte et la rage et le jeune homme avait pour espoir qu’il le pardonne et qu’il comprenne mais malgré les semaines passées, son père répondait absent. Rangeant son portable dans sa poche, Tobias entra dans le couloir de l’hôpital. Un gros bilan de santé qui avait été fait il y a un mois de cela, à la suggestion de son père, à l’époque, qui voulait savoir comment se portait son fils. Attendant son tour dans le pôle des résultats, il fut appelé, accueilli par un docteur et une infirmière. Conservant son sourire habituel, le jeune homme se posta sur sa chaise, faisant face au professionnel qui regardait d’un air grave son dossier, avec ses lunettes rondes. Il releva la tête, restant impassible, le visage gravé dans la roche : « Ecoutez, je vais faire assez vite. Vous êtes en bonne santé, vous faites du sport, vous mangez équilibré, tout fonctionne pour le mieux. Cependant, nous avons détecté une tumeur au niveau du pancréas. Il n’en est qu’au stade local, donc c’est bon signe. Votre durée de vie est estimée à cinq ans si on n’intervient pas. Il est assez difficile à traiter, il se guérit très mal mais il ne faut jamais dire jamais. La chimiothérapie, bien qu’elle ne soit pas optimale pourrait être bénéfique ; on a de nombreux traitements et bien qu’ils soient très coûteux malgré leurs résultats, il est conseillé de le faire. Je ne doute pas que vous accepterez, grâce à votre père donc, on se reverra dans les semaines qui suivent afin de voir la suite. Je vous souhaite une bonne fin de journée, sur ce… Si vous avez des questions, n’hésitez pas à en faire part à mon assistante. »  Puis le médecin ferma le dossier, se levant pour adresser une poignée de main et partant vaquer à d’autres occupations. Tobias, lui, restait complètement paralysé, abasourdi, c’était comme une fracture immédiate, il ne se posa même pas la question à combien de degré négatif était le tact de ce professionnel. Sans voix, n’osant rien dire, comme s’il était bloqué, il se leva, franchissant la porte. Il était sur une poutre, à tout moment, il pouvait chuter. À tout moment, il pourrait disparaître. À tout moment, il pourrait rendre inconsolable Dyl et l’entraîner dans sa chute et cette dernière chose ne devait être produite.