pile, je vole un chimpanzé pour tes beaux yeux. face, tu m'offres une licorne volante.

tout commence à cause d'un pari stupide, tout continue avec un jeu encore plus débile et tout ça nous mène jusqu'à aujourd'hui. aujourd'hui, où je dois parler à ton avocat, car tu ne daignes plus répondre à mes appels. ne parlons même pas de me voir. tout ça à cause d'un jeu, un jeu qui dérape, un jeu qui fait mal, un jeu où le gagnant est celui qui perd le plus.


ACTE I – LE PARI
je suis assis dans le coin vip de l'une des boîtes de la ville avec mon meilleur pote et d'autres personnes dont je connais à peine le prénom. devant nous, un tas de bouteilles orne la table. elles sont hors de prix, mais ça n'a pas d'importance. l'argent coule à flots. merci papa, merci maman. je discute avec une jolie brune bien foutue, mais avec un taux d'alcoolémie beaucoup trop élevé. mauvais plan elliot, mauvais plan. oublie et casse-toi avant de te retrouver couvert de son vomi. je lui souris doucement avant de me retourner vers mon abruti de meilleur ami. je me tire, l'ambiance est à chier. un regard surpris. un non de la tête. il m'emmerde. hors de question betthell. tu me laisses pas en plan. en plan ? en plan ? il se fout de ma gueule ? d'un signe de tête, je lui montre toutes les jeunes femmes qui nous entourent. il est loin d'être seul, bordel. j'ai un putain de dossier à rendre pour la fin de la semaine, il faut absolument que je bosse dessus. un sourire illumine son visage et je sens d'avance que ça va finir par me retomber dessus. idée de merde en perspective.
c'est là que ça a commencé. son doigt qui se pose sur toi et ces quelques mots. quelques mots pour changer toute une existence. tu vois la bombe assise au bar là-bas, tu penses pouvoir coucher avec elle dans l'heure ? des paris. toujours les mêmes. je devrais en avoir marre depuis le temps, mais non. un soupir s'échappe de mes lèvres. si j'veux elle va me supplier de coucher avec elle dans moins de trente minutes. tu le sais, je le sais et elle le sait aussi. je dois vraiment rentrer, mec. j'dois bosser sur un truc. contrairement à toi, je ne vais pas à l'université simplement pour profiter des soirées étudiantes. il éclate de rire. il ne va pas lâcher l'affaire, je le sais. quand ce mec a une idée dans la tête, il ne l'a vraiment pas ailleurs. il me le prouve encore une fois en ajoutant. tu te dégonfles, betthell ? t'as peur de te prendre une veste, c'est ça ? nouveau soupir. encore, toujours. je suis joueur et un peu trop fier, ça finira vraiment par me perdre. je repose mon regard sur toi. tu es en train de siroter un verre, seule, tout en regardant la piste de danse d'un air éteint. tu ne sembles pas dans ton élément, tu es une cible facile, beaucoup trop et ça me fait sourire. regarde la nana. elle est superbe, je dis pas, mais elle a l'air pommée. je la saute quand je veux, mec. et son putain de sourire s'élargit. il sait qu'il est en train de gagner et ça m'énerve, car je ne peux pas le contredire.ah ouais ? on va compliquer les choses alors. tu dois coucher avec elle tout en la rabaissant le plus possible. pas de compliments, pas de jolies paroles. oublie tes techniques de drague habituelles. j'éclate de rire parce que c'est totalement stupide. je vais juste finir par m'en prendre une. je ne suis pas du genre à me dégonfler, je hausse les épaules et je me dirige vers toi. tu ne me vois pas arriver, tu continues à boire ton verre et je me rapproche pour que tu puisses m'entendre malgré la musique. je ne sais pas si tu vois le mec totalement débile qui nous regarde du carré vip, il m'a demandé de venir te voir pour te dire que tu es sublime et t'offrir un verre. sauf que je ne suis pas vraiment de son avis, je ne te trouve vraiment pas top et je me demande pourquoi je devrais te payer à boire. je me décale doucement pour poser mon regard sur toi et je t'adresse un magnifique sourire. premier regard noir, le début d'une longue liste. je ne sais pas vraiment pourquoi, mais ça me fait rire, entre ta tête à ce moment précis et l'alcool déjà ingurgité, c'est plus fort que moi. hilarant. si un mec comme toi m'offrait un verre, je lui jetterais à la gueule de toute façon. abstiens-toi, t’as raison. maintenant, dégage, j'ai mieux à faire que de parler à un minable comme toi. tes propos me font un peu plus sourire. je m'installe sur la chaise juste à côté de la tienne bien décidé à prendre racine. caractère de merde, en plus, ça va être marrant ! tu ne sembles pas partager mon avis, car tu enchaînes d'un ton cinglant. je ne crois pas, non. va rejoindre tes abrutis de potes et laisse-moi tranquille. tu ne vois pas que tu me fais vraiment chier, là ? si, c'est plutôt clair et justement c'est ce qui me donne envie de rester. avec le pari débile, évidemment. je suis joueur, je sais que c'est plutôt mal parti, mais justement c'est ce qui rend tout cela encore plus intéressant. j'interpelle le barman et je commande une vodka-redbull. avant que tu n'ouvres à nouveau la bouche, je te lance. t’emballes pas. ce n’est pas pour toi. je ne paie pas de verres aux moches, désolé, c'est contre mes principes. à l'intérieur, tu es en train de bouillir. j'en suis presque persuadé. pourtant, je garde cet air impassible et cet immense sourire. tu souffles fortement et tu te tournes vers le barman pour commander autre chose. tu m'ignores, mais tu ne me connais pas, ça se voit. je suis pas prêt à te laisser tranquille. soudain, je ne sais pas pourquoi, je sors une pièce et c'est le début de la fin. c'est comme ça que ça a vraiment commencé, à un bar, avec une pièce et une phrase. okay, j'ai une idée. tu vois cette pièce ? pile, je te laisse tranquille. face, et bien, tu vas devoir me supporter toute la soirée. tu me jettes un regard noir, à ce moment précis, je ne m’attends pas à ce qui va suivre. j'ignore que dix ans plus tard, je serais là en face de toi en train de signer des papiers pour le divorce. je pense que tu vas à nouveau m'envoyer royalement chier, pourtant tu attrapes la pièce. dans ce cas-là, c'est moi qui lance. avant même que je puisse réagir, tu lances la pièce, tu la rattrapes dans ta main droite et la retournes sur ta main gauche. face. mon sourire s'élargit. je gagne. je gagne toujours. tu ne sembles pas de cet avis. tu me montres à nouveau la pièce et tu me lances. ah ouais ? pile, tu disparais de ma vue. face, tu dégages avant que je t'en foute une. j'explose de rire à tes propos. non, tu as mal compris le jeu, jeune femme. trop facile. tu ne peux pas revenir sur un pari déjà fait et tes choix ne peuvent pas se ressembler comme ça. un regard de défi, les règles viennent d'être posées, le jeu peut commencer. vu que je dois passer la soirée avec toi. face, tu me paies toutes mes conso' ce soir. pile, et bien, je te paie à boire pour la soirée. je ris doucement, c'est totalement stupide comme pari, mais j’acquiesce tout en te lançant. méfie-toi, tu vas perdre et je bois énormément. tu ne te laisses pas impressionner et tu lances la pièce. elle retombe dans ta main, tu la tournes sur l'autre et tu jubiles. face. bim. fais péter la carte bleue, espèce d'imbécile. encore une fois, j'éclate de rire. femme qui rit... merde, ça fonctionne pas là, c'est moi qui suit en train de rire. je n’ai pas franchement envie de me retrouver avec le contenu de ton verre dans la face. je croyais que tu n’acceptais pas que quelqu'un comme moi te paie à boire ? mauviette. mauviette ? seriously ? j'interpelle le barman et je commande une bouteille de champagne. je ne suis pas une mauviette, tu vas très vite le comprendre. je ne crois pas non. et la soirée a continué de cette manière, je t'ai payé à boire et on a continué à lancer cette petite pièce.
après de nombreux verres, j'ai pris la fameuse pièce et je t'ai lancé. face, on quitte la soirée et tu couches avec moi. pile, à la fin de la soirée, on ne se revoit plus jamais. je t'ai souri, toi, tu as sûrement eu une soudaine envie de me trucider. qu'importe, j'étais là pour un pari à la base, je ne comptais pas me défiler. tu me prends pour qui ? je ne suis pas une pute, elliott ! un haussement d'épaule. je pensais simplement que tu étais joueuse. tu as peur de quoi ? de ne plus jamais me voir ? un simple murmure, une simple insulte. va te faire foutre. tu as pris la pière, tu l’as lancée. face, encore. mon sourire s'est agrandi peu à peu, alors que le tien a totalement disparu. c'est qu'un jeu à la con, je ne coucherai pas avec toi à cause d'une stupide pièce. et, c'est venu naturellement. à force de lancer cette pièce, j'ai fini par comprendre que toi aussi tu étais joueuse et que tu n'aimais pas perdre. dégonflée.
tout s'est enchaîné, tu as fini par m'embrasser, j'ai continué à t'offrir des verres. on a continué à lancer la pièce, on a dansé, on est finalement sorti de la boîte, on a pris un taxi, on est rentré chez moi et... comme prévu, tu as fini par coucher avec moi. ça aurait pu s'arrêter là, ça aurait certainement dû s'arrêter là, mais tout a continué...


ACTE II – PILE OU FACE
pile, tu me racontes un truc super personnel. face, je le fais.  
pile, tu dis à tes parents que ce sont des putains d'enfoiré et tout ce que tu penses sur eux. face, j'avoue à mon copain que je le trompe.
pile, tu quittes ton mec. face, je ne couche avec aucune femme pendant deux mois.
pile, tu vends ton appartement pour 100 $. face, j'envoie chier mon patron et je démissionne.
pile, tu vas voir le mec dégueulasse là-bas et tu le dragues. face, je fais la même avec la meuf immonde derrière.
pile, tu vas à ton super entretien demain en pyjama ridicule. face, je pars au boulot demain en pyjama ridicule.
pile, tu m'avoues ce que tu penses de moi. face, je ne couche plus jamais avec toi.
et le jeu continue de cette manière. six années s'écoulent. plus le temps passe, plus les piles ou faces deviennent débiles, jusqu'au summum... félicitations, je suis joueur, mais pas à un tel point.
pile, tu épouses ta copine. face, tu te maries avec moi. mon sourire disparaît. j'ai du mal à comprendre où tu veux en venir. tu te fous de ma gueule ? tu plaisantes ? non, vu le regard que tu me lances à ce moment précis je comprends que tu ne plaisantes pas le moins du monde. merde, jusqu'à quel point je peux accepter de jouer à ce jeu ? par le passé, on est déjà allé beaucoup trop loin, mais là tu parles de mariage quand même. ma copine ? je ne l'aime pas vraiment, on est ensemble depuis à peine six mois, je ne me vois pas finir ma vie avec elle, loin de là. toi ? c'est beaucoup plus compliqué. je tiens énormément à toi, beaucoup plus que ce que je ne veux me l'avouer, mais de là à t'épouser... je soupire un instant et tu lances. alors, tu te dégonfles ? je déteste cette phrase, tu le sais plus que quiconque. je ne réfléchis pas, je ne sais pas pourquoi, mais ça sort. lance. tu le fais. face. j'éclate de rire, c'est stupide. félicitations madame betthell. je sais bien qu'on n’est jamais revenu sur une décision de la pièce, mais cette fois je pense que ça va changer. je me trompe.


ACTE III – LE MARIAGE
dans la joie comme dans la peine. dans la richesse et dans la pauvreté. pour le meilleur et pour le pire. je promets de te haïr et de te pourrir. et je promets que... je ne laisserai rien ni personne nous séparer même si je ne t'aime pas le moins du monde. je fais cette promesse pour l’éternité. je me lie à toi pour toujours jusqu’à la fin des temps. et je resterai à tes côtés jusqu’à ce que la mort nous sépare. je t'adresse un magnifique sourire. finalement on l'a fait. une année s'est écoulée et nous voilà devant ma famille que je déteste plus que tout au monde, devant ta famille qui ne me supporte pas et devant nos amis morts de rire. au fond, je le sais et tu le sais aussi, on s'aime beaucoup plus que l'on voudrait se l'avouer. tu murmures alors. t'es un enfoiré.
et c'est ainsi que tu es devenu madame betthell. je pense que la plupart des invités n'ont pas compris, moi-même, je ne comprends toujours pas pourquoi j'ai accepté ce stupide pile ou face. je pense que si c'était tombé sur pile pour la première fois j'aurais refusé, mais c'est tombé sur face et c'est toi que je devais épouser. toi, la femme que j'aimais depuis plus de six ans en silence. on n’a jamais réussi à se dire les choses clairement sans ce stupide jeu. on n’a jamais su s'ouvrir naturellement de peur d'être blessé et c'est ce qui nous a menés jusqu'à aujourd'hui, en plus de nombreuses autres choses...


ACTE IV – LE DIVORCE
on est resté ainsi pendant trois ans, trois merveilleuses années passées à tes côtés. après le mariage, on s'est s’installé ensemble comme un couple parfaitement normal. on était loin de l’être pourtant, on ne s'est jamais dit qu'on s'aimait. après tout, ça n'importait pas vraiment. on agissait comme un vrai couple sans vraiment l’être. on s'aimait d'une manière étrange, d'une manière destructive. on n’a jamais abandonné le jeu et plus ça allait, plus les défis faisaient mal. il était cependant hors de question d'en refuser un. on s'est trompé un milliard de fois et on ne l'a jamais caché à l'autre, ça faisait mal, mais on s'en foutait. on jouait avec les faiblesses de l'autre et alors ? c'était à celui qui ferait le plus souffrir.
jusqu'au jour où... elliott, je suis enceinte. je repose ma tasse de café et je me tourne vers toi. très drôle. pas la moindre trace de sourire. tu ne me montres pas que c'est une blague. non, ce n'est pas possible. je ne plaisante pas. et à ta voix, je comprends. je ne sais pas quoi répondre. pour détendre l'atmosphère, je tente une blague. je sors une pièce de ma poche et je te lance. okay. pile, tu gardes le bébé. face, tu avortes. et là, ta réaction me surprend. tu ne vois pas que je plaisante. tout ceci est un jeu pour toi, c'est ça ? pile ou face, encore et toujours. face, tu m'épouses et hop, tu m'épouses. okay, alors j'en ai une pour toi. pile, tu me restes fidèle et tu m'aimes vraiment. face, on divorce. euuh... On m'explique là ? tu t'emballes pour rien, c'était une simple plaisanterie. avant même que je réagisse, tu me prends la pièce des mains. je plaisantais. arrête... tu lances la pièce. face. tu me regardes droit dans les yeux et tu lances simplement. on divorce.
et je n'ai pas pu t'expliquer. tu as pris tes affaires, tu as quitté la maison et depuis je ne t'ai jamais revu...