It does not do to dwell on dreams and forget to live (Lemon)

Trente et un octobre mille neuf cent quatre vingt huit. Pendant que de nombreux enfants étaient en train de sonner aux portes en questionnant les habitants : «  Un bonbon ou un sort ? », moi j’indiquais à ma mère, mon imminente venue au monde. Ma mère, gymnaste de métier, ne voulait qu’un seul et unique enfant pour éviter de déformer son corps de rêve. Mais pour faire plaisir à mon père, elle accepta quand même de lui donner un enfant, une fille qu’ils décidèrent de prénommer Lemon. Etrange prénom quand on y pense mais avant le jour de ma naissance, mes parents ne savaient pas encore quel prénom me donner. Pour se rappeler, que durant toute sa grossesse, ma mère avait fait une overdose de citron, mes parents décidèrent de me prénommer Lemon. Certes, ce prénom engendre quelques moqueries mais au final, il reste assez joli. Ma mère est belge de naissance et est venue s’installer aux Etats-Unis pour s’entrainer et n’a jamais quitté ce pays. Surtout après avoir rencontré mon père, digne héritier d’une entreprise familiale. En tant que fils unique lui aussi, il a hérité seul de l'entreprise basée sur le vin. Grâce aux origines de ma mère, j’ai pu goûter aux nombreuses spécialités belges comme le chocolat, les frites mais la bière, je n’étais pas vraiment en âge de goûter. De plus, c’était la possibilité pour moi de partir en vacances sans que mes parents ne me suivent partout comme un petit chien vu qu’ils me confiaient à ma famille maternelle.

Les premières années de ma vie furent assez banales : entrer à l’école, commencer une activité extra-scolaire, être une bonne élève, plaire à ses parents. Aucune ombre au tableau. J’étais une fille modèle, certes un peu capricieuse comme j’avais tout ce que je voulais. Après tout, je restais une enfant et comme mes parents ne me mettaient que très peu de limites, j'en profitais. Un soir, mes parents m’emmenèrent passer la soirée à un concert de musique classique. J'étais vraiment impressionnée, surtout que je n'avais que sept ans. Mes yeux ne quittèrent pas plus d'une seconde la joueuse de violon que je pouvais admirer depuis ma place. Le son produit par cet instrument me laissait de marbre. Je ne bougeais pas d'un millimètre alors qu'une petite fille de sept ans, on a encore du mal à rester en place. J'étais subjuguée et émerveillée. Depuis ce jour, je voue une réelle passion pour le violon, instrument de musique qui me permet aujourd’hui de me concentrer sur quelque chose et de me vider la tête.  Mes parents étaient très fiers de moi et ne pouvaient espérer avoir une meilleure petite fille.

On dit souvent que les bonnes choses ont une fin. Et un jour vint le drame. J’avais à peine onze ans et on était assis tous les trois autour de la table de la salle à manger. Soudain, l’alarme qui annonçait l’arrivée imminente d’une tornade retenti. Mais trop tard elle était déjà aux portes de la ville. Impossible d’aller se réfugier dans l’abri au fond du jardin. Vivant aux Etats-Unis, dans le Kansas, où les tornades sont très souvent possible, mes parents avaient construit un abri pour nous protéger mais cette fois ça ne protégea personne. Je ne me rappelle de rien de cette soirée, mais quand je me suis réveillée à l’hôpital, les parents de mon père étaient présents pour m’annoncer que j’étais devenue orpheline. Ils m’avaient protégé et ça avait marché. Je n’étais plus la même pendant les années qui suivirent. Je ne parlais plus et vivait dans mon petit monde. Seul le violon me permettait de garder un lien avec le monde réel. Mes grands-parents m’accueillirent chez eux et m’élevèrent. Ils essayèrent de faire du mieux qu’ils pouvaient mais ils ne voulaient pas me brusquer. Ma vie se résumait à me lever, aller en cours et rentrer chez moi. J’avais toujours cette culpabilité qui vivait en moi que mes parents étaient morts pour moi. Pourtant, j’étais toujours studieuse et j’avais même les meilleures notes de ma classe. J’avais cette sensation que pour mes parents je le devais. Chaque matin je me levais, j'allais en cours et je rentrais m'enfermé dans ma chambre. Une vie loin d'être idéale pour une jeune adolescence. Mais je n'arrivais pas à passer du temps en société, avec des gens qui me regardent tout le temps avec un air étrange sur le visage. Ma seule occupation était la lecture et le violon. J'avais besoin de m'évader quelques instants et ces activités solitaires avaient un effet positif sur moi.

Les années se suivent et se ressemblent. Je me lève, je vais en cours et je reviens. Je sors uniquement pour mes cours de violon. Parfois, je prends quand même le temps de voir le peu d'amis que j'ai. J'évite juste les fêtes, car j'aime pas quand il y a trop de monde. Je ne suis pas agoraphobe mais je pense que je m'en approche. J'ai juste peur d'être trop jugées par les gens parce que je ne suis pas comme tout le monde. J'aime plutôt être effacée. Aujourd'hui, même adulte ma vie est toujours la même. Je me lève, je vais travailler et je rentre automatiquement à la maison.

Comme j'étais une élève brillante, ma famille pensait que j'allais faire de grandes études: médecine, droit, géologie ou tout autre domaine aussi brillant. Mais je ne voulais plus que ma vie se résume à étudier, j'avais envie de me rendre utile, de servir à quelque chose. Pourquoi pas servir mon pays? Je suis très sportive et je n'eus aucun mal à intégrer l'armée. Seulement, j'avais besoin de plus, je n'étais pas satisfaite à 100% et je décidai de suivre la formation pour devenir pilote d'avion de chasse. Et grâce à ça, je décidai de rejoindre Washington. Je vivais toujours au Kansas mais en intégrant la base militaire non loin de Washington, je décidai de déménager au cœur de ce grand endroit. Je n'aime pas les grands rassemblements de foule, mais j'ai besoin de me sentir rassurée et d'avoir des gens autour. Sans doute une répercussion du traumatisme de la tornade. Nous vivions, éloignés de toute civilisation et peut-être que mes parents seraient encore en vie si les secours avaient été plus proches.

Après de nombreuses missions à l'étranger, je suis revenue depuis quelques mois. Je n'avais plus envie de partir pour de longs moments et mes chefs m'ont nommée instructeur pour apprendre aux petits nouveaux à piloter les avions. Je suis encore jeune pour faire cela, mais je sais que ça ne durera pas longtemps et que les missions redeviendront la routine de ma vie de militaire. En attendant, je compte profiter de mon temps ici et peut-être devenir une demoiselle un peu plus sociable, ça ne me ferait pas de tort je crois.