who let me adult ? i can't adult. + jace

« L’armée chez les Wikes, ça coule dans notre sang, j’vous dis. J’espère juste que Randy Jr connaîtra pas la même fin de carrière que moi une fois qu’il se sera engagé… » Et il a cet air grave qui se colle à sa face à chaque fois, histoire d’enfoncer le clou un peu plus profond. Parce que Jace sait exactement ce que son paternel attend avec son petit cinéma. « La même fin que vous ? Qu’est-ce qui vous est arrivé ? » La voilà la fameuse question qu’il attend toujours avec autant d’impatience. Et s’il se contrôlait pas, sûrement qu’il en trépignerait sur place, comme un gamine de cinq piges ! Et Jace soupire, embarquant un peu plus loin avec lui son verre de champagne bon marché, mais qui suffit à faire illusion. Il supporte plus d’entendre cette histoire, cette version tronquée de la vérité. Celle qui fera mousser son paternel, celle qui le fera passer pour ce qu’il n’est clairement pas. « Une amputation ma chère… » Il baisse la tête comme s’il était toujours accablé par ce membre manquant, mais relève les yeux discrètement pour contempler le visage horrifié de son interlocutrice. Et tandis que lui jubile intérieurement, elle, elle doit sûrement s’imaginer que sous son pantalon en velours côtelé se cache une prothèse. Si seulement elle savait la vérité ! « Mais oui, et ton gros orteil te manque tous les soirs que dieu fait… » Peut pas s’empêcher de marmonner Jace dans son coin, avant de remarquer le regard noir que lui lance sa sœur. Il a compris, il bat en retraite, et part se réfugier là où il l’a toujours fait; sur le perron de la maison familiale. Bon dieu qu’est-ce qu’il peut détester ce genre d’évènement. Ok, personne n’aime les enterrements, mais quand on sait qu’aujourd’hui on enterre tante Eugenia, la femme du frère de son arrière-grand-père paternel, il voit pas trop pourquoi c’est eux qui se la coltinent. Jace l’a jamais vue de sa vie, ou alors il était trop jeune pour s’en souvenir… Il soupire, sort son paquet de clopes, et commence à s’en griller une. Rien à foutre que la famille soit là et puisse le voir faire. Rien à foutre que son paternel lui a interdit de fumer. Rien à foutre des Wilkes et de leurs conneries. Putain qu’est-ce qu’il a envie de se casser d’ici, et puis elle apparaît dans son champ de vision. Solaire comme toujours, charmant mirage d’une vie plus douce et plus supportable. Melody se pose à côté de lui, sans un mot, juste son sourire qui se suffit à lui-même. Elle pose son regard azur sur la cigarette qu’il pince entre ses lèvres, et laisse échapper un petit claquement de langue désapprobateur. Et elle n’a pas besoin de lui servir un discours moralisateur sur le fait que fumer c’est pas bien, il l’entend déjà rien qu’à la regarder le toiser comme ça. Pourtant, ça l’empêche pas de tirer une nouvelle taffe, avant de passer son bras derrière son épaule, afin de la rapprocher de lui. « Toutes mes condoléances. » La phrase sort de nulle part, et volette dans l’air sans trouver une réponse pendant l’espace de quelques longues secondes. « Ouais, c’est ça… » Un rapide baiser déposé sur son front pour ponctuer le tout, Jace et Melody se connaissent par cœur, elle sait très bien que tante Eugenia est une sombre inconnue pour son meilleur ami. Et au fond, parler à coup de boutades, c’est leur manière à eux de surmonter le dégoût qu’ils ont pour leurs familles réciproques. « Tu veux bouffer gratos ? Ma mère a commandé chez le même traiteur que de la dernière fois. Il reste encore des canapés au saumon. »




Il est pas sûr de savoir comment réagir. Enfin si, il sait comment il est sensé réagir. Il est sensé sourire, la prendre dans ses bras et la féliciter. Il est sensé être heureux pour elle. Alors pourquoi c'est pas tout à fait le cas ? Il sait aussi qu'il est pas sensé prendre autant de temps avant de réagir, alors il s'empresse de la prendre dans ses bras. Ca paraît un peu maladroit, pas enthousiaste comme ça devrait l'être normalement. Et Jace s'en rend compte, alors il lance un truc débile qui lui correspond pas du tout, sur un ton qui sonne tellement faux, qu'on l'aurait cru être une ex star de téléréalité qui s'essaie au cinéma. Autant dire que c'est pas tant glorieux. « Yay trop bien ! » Melody s'est tout de suite rendu compte que quelque chose clochait, elle connaît Jace mieux qu'elle-même. Alors elle se détache de son étreinte, laisse ses mains posées sur ses épaules, et plonge son regard clair, dans celui sombre de son meilleur ami. Elle reste là à l'observer, les secondes s'écoulant, jusqu'à ce qu'il capitule, et baisse les yeux. « Qu'est-ce qui cloche Jace ? Tu sais t'as le droit de pas être content que je parte. J'peux l'encaisser, tu sais. » Elle a ce sourire réconfortant, qui le déculpabilise en un instant. « Putain tu m'énerves à tout savoir sur moi... alors oui ça me pète les couilles que tu te barres à Paris pour six mois. Il commence, sans détacher son regard du sien. Mais bon, j'suis aussi content pour toi. Un peu, quand même. » Et il lui sourit enfin en retour. Faut dire que depuis qu'ils se connaissent, ils se sont jamais séparés. Pas même durant leurs études respectives, restant l'un comme l'autre à Washington. Et là, ça lui en fout un sacré coup, qu'elle lui annonce qu'elle va partir, l'abandonner derrière, et vivre sa vie loin de lui. Mais il peut pas l'en empêcher, il peut pas lui en vouloir non plus. Peut être qu'au fond, il est juste jaloux que ce soit elle, la première à réussir à mettre de coté leur lien, pour pouvoir vivre sa vie pleinement.




La scène ressemble à celle d'un putain de film à deux balles, qui se veut super dramatique pour pas grand chose au final. Mais Jace est bien trop préoccupé pour s'en rendre compte. Il est là, à courir dans le couloir de l'hôpital dans lequel il vient de débouler en bousculant une pauvre mamie. Et il la porte dans ses bras, lui qui a toujours pensé n'avoir que la force d'un mollusque, il l'a portée comme si elle ne pensait rien. Mais au fond, c'est un peu le cas, si frêle, si fragile. « UN MÉDECIN, J'AI BESOIN D'UN MÉDECIN ! » Il hurle comme un forcené, cherchant à droite et à gauche, haletant, suppliant le ciel que quelqu'un vienne l'aider. La suite s'enchaîne tellement vite qu'il a pas le temps de comprendre vraiment ce qu'il se passe. On lui demande ce qu'il s'est passé, mais si c'est un homme ou une femme, il est incapable de le capter. Tout ce qu'il est capable de faire, c'est observer sa meilleure amie, couchée sur ce lit, avec mille gens qui s'agitent autour d'elle. « Elle... elle a pris ça... toute la boîte je crois... » Il tend une petite boîte orange, à ce qui se révèle être une infirmière finalement. Des somnifères. Elle ne voulait pas seulement dormir, elle ne voulait plus se réveiller. Et ça lui fait mal, ça lui tord les entrailles de penser une seule seconde que Melody, sa Melody veuille mourir. Pourquoi elle ne lui a rien dit ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Le mot résonne dans sa tête, alors qu'il tente d'y trouver une réponse. Mais pour le moment JD n'en trouve pas. La dernière fois au téléphone, elle avait l'air tellement heureuse, elle parlait de Paris avec ce sourire dans la voix, qu'il ne connaît que trop bien. Si elle lui avait menti, il l'aurait entendu, non ? Il commence à douter, douter de ce lien qu'il pensait inébranlable entre elle et lui... Et il n'ose pas imaginer ce qu'il se serait passé, si elle ne lui avait pas dit qu'elle rentrait aujourd'hui. Parce que s'il n'avait pas été au courant, il n'aurait jamais été sonné chez elle. Il ne serait jamais entré dans son petit appartement en ne recevant aucune réponse. Il ne l'aurait jamais trouvée étendue sur le carrelage froid de sa salle de bain. Et il n'aurait jamais pu l'amener à l'hôpital à temps.