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  Dans les avenues, ses pupilles s'enfoncent sur les façades délabrées et parfois restaurées. Il scrute, il cherche et en oublie ceux qui l'entourent, ces hommes et ces femmes qui, dans la rapidité d'une démarche marquée, le bousculent parfois de légers coups d'épaule auxquels il ne porte aucune attention. Il passe parfois l'une de ses paumes sur ses épaules arborant une veste en cuir, comme pour effacer ceux qui l'auraient effleuré. Le venin ravalé, l'acerbité qu'il n'a pas le courage d'articuler dans des remarques désagréables ou dans des iris qui tailladent les âmes, il se contente d'ignorer et d'avancer sans prêter plus d'attention à ceux qui ne lui en accordent aucune. Ses phalanges effleurent parfois les murs, passent sur les vitrines devant lesquelles il s'arrête abruptement, surprenant ceux qui le suivent de près et qui manquent de percuter sa carrure. On entend parfois les remontrances de ceux plongés dans l'inattention, mais Hardin ne dit rien et se contente de lever les yeux au ciel, lippes scellées de toute acrimonie. Ceux qui le connaissent et le voient ainsi doivent se demander ce qui le tracasse. Silencieux et qui se fond dans la masse affolante, celui qui essaie de s'effacer, les sourcils légèrement froncés et qui traduisent une certaine hésitation ou une pointe de nervosité. Les pas le mènent devant le centre commercial de Washington, un endroit qu'il n'a que peu l'habitude de fréquenter et pourtant, il pénètre dans le grand hall bondé sans grande difficulté. Il n'y s'y rend pas souvent, pour ne pas dire jamais, mais connaît néanmoins les recoins et c'est devant une librairie qu'il met un terme à sa flânerie. Il toise le devant de la boutique, hausse les épaules pour lui-même avant de rentrer et se perdre dans ces livres et ouvrages. Il flirte avec les pages qu'il tourne hâtivement, ne sait absolument pas quoi prendre et ne sait même pas pourquoi il agit ainsi. Sa fille, il ne lui a jamais rien donné de son propre chef. Du moins, pas qu'il s'en souvienne. Et pourtant, il lui arrive de se dire que les cadeaux ne peuvent pas faire de mal, qu'ils peuvent au contraire, aider cette relation tumultueuse qui s'enfonce dans un mur à chaque instant qu'il ne passe pas à ses côtés. Il balance la tête de gauche à droite, comme agacé, avant de reposer un livre entre deux autres. Hardin, aussi difficile que cela soit pour lui de l'admettre, il ne connaît pas sa fille. Ne pourrait dire ce qu'elle a traversé durant son enfance ni même ce qu'elle endure présentement. Pour lui, elle reste une enfant à qui la vie doit être apprise, elle reste une fragilité que personne ne doit fracasser. Il pense qu'elle n'a pas connu l'amour, il pense qu'elle n'a pas connu les plaisirs qui s'immiscent avec. Entre ses mains, deux ouvrages. L'un, décent, qui argumente sur comment entretenir une relation père/fille stable (et pour être honnête, il pense plutôt à s'acheter ce bouquin pour lui, plus que pour sa fille), et l'autre, qui amène subtilement des sujets tels que les premières fois, aussi bien en amour, qu'en amitié, qu'en rupture, qu'en échecs, et même qu'en relations sexuelles. Et pour Hardin, il n'y a aucune gêne de parler de ça avec sa propre enfant, mais sait tout de même se mettre à sa place pour savoir qu'elle ne veut certainement pas entamer ce genre de discussions avec lui alors qu'il est déjà occasionnel pour eux de se demander s'ils vont bien. Les deux manuels dans les mains, il cherche une personne précise en balayant les allées du regard. Hardin, il aurait pu se rendre dans toutes les librairies du coin. Il aurait pu aller dans celle près de chez lui, aurait pu trouver plus proche quand bien même sa destination n'était de base, pas claire. Mais ici, il sait qu'il y a de bonnes âmes pour l'aiguiller. Notamment une. « Eh. » qu'il fait en discernant la silhouette familière, féminine. Sam. Il s'avance, sans même prendre la peine de saluer, sans même jouer sur le respect qu'il aurait pu énoncer avec n'importe quel autre employé. « J'hésite. » qu'il dit en brandissant les deux livres sous son nez, la mine sérieuse et presque tiraillée. « Pour un cadeau. » Il se sent presque stupide, à dire ça ainsi, à montrer ces ouvrages qu'il veut offrir alors qu'ils ont tout l'air, sauf d'un cadeau approprié. |
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